La vie d'un grand maître : Wang peisheng (première partie)
Le texte qui va suivre est une traduction personnelle de la biographie du grand maître Wang peisheng. Elle fut écrite par son disciple Zhang yun en hommage à son défunt maître. Wang peisheng était le chef de file de l'école Wu de taijiquan, parfois également appelé Wudang taijiquan, pour tout le nord de la Chine. Il s'éteignit le 3 septembre 2004 à l'age de 85 ans des suites de complications à une maladie cardiaque. Son décès devait marquer la fin d'une époque car Wang peisheng fut le plus jeune maître d'une génération considérée comme ayant vécue l'age d'or de l'art martial en Chine. Cette génération devait donc disparaitre avec lui. Il fut, en quelques sortes, un pont entre une époque ancienne et celle, moderne, d'aujourd'hui...
Le maître Wang peisheng (1919 - 2004)
Wang peisheng est né le 24 mars 1919 dans le conté de Wuqing, province du Hebei. Lorsqu'il eu six ans, sa famille déménagea pour Pékin dans une ruelle des quartiers est de la ville. Il fut un amoureux de l'art martial dès son plus jeune age. Enfant, il aimait déjà à se prendre pour un chevalier des contes traditionnels. Il y avait une famille d'accrobate vivant près de chez eux et le fils de cette famille lui enseigna quelques rudiments des arts martiaux et de l'accrobatie. Le jeune Wang pratiquait assiduement et appris vite. Il fini même par être capable d'accomplir une trentaine de saut de main arrière d'un coup sur une petite table !
A l'age de douze ans, lui arriva ce qui sera l'évènement de sa vie, la chance croisa son chemin. A cette époque, dans le nord de la Chine, les demeures traditionnelles familliales étaient les cours carrées (siheyuan) et la famille de Wang peisheng en partageait une avec d'autres familles. Un jour ou il s'entrainait au maniement de la lance dans l'entrée de la cour, ses exercices faisait parfois sortir la lance jusqu'à l'extérieur de la maison par l'entrée principale et, dans un moment d'inattention, il envoya celle-ci en direction d'un vieux monsieur qui passait par là. Le vieillard attrapa la lance et lui retira des main, alors qu'elle lui arrivait droit vers la gorge. Il était très en colère et commença à hurler après l'enfant. Un voisin qui connaissait bien le vieil homme arriva alors, attiré par les cris et tenta de calmer l'affaire. Il expliqua alors que l'enfant adorait les arts martiaux et qu'il pratiquait ces exercices avec beaucoup d'application tous les jours. En fait, dit-il au vieil homme, vous qui êtes un grand maître de l'art martial, vous pourriez peut-être enseigner quelque chose au jeune garçon. Le vieux monsieur se calma quelque peu et demanda à Wang peisheng de lui montrer son gongfu, ce qu'il s'efforça de faire du mieux qu'il le pouvait. Le vieillard accepta alors de le prendre comme disciple.
"Cour carrée" (siheyuan) des ruelles de Pékin
Des années plus tard, maitre Wang dit : " A ce moment, je ne savais rien de ce vieil homme et la seule chose que je me demandais fut quelle école de boxe il allait m'enseigner. Mais mon voisin était très agité, il me dit alors : "Tu as beaucoup de chance, va prévenir tes parents sur le champs. Va leur dire de préparer une cérémonie d'acceptation comme disciple du maitre Ma gui."
"Je ne comprenais toujours pas combien c'était important. Mais mon père pratiquait un peu l'art martial et il fut abasourdi. Il me dit qu'il n'arrivait pas à y croire et sortit en courant pour saluer maître Ma. Lorsqu'il lui demanda pour la cérémonie, maître Ma dit qu'il ne voulait pas faire une grande fête, il lui dit que l'on pouvait même faire la prosternation sur le champs. Selon la tradition, nous avons alors fait bruler de l'encens et je lui ai fait le koutou (prosternation à genoux en touchant trois fois le sol avec la tête).
Evidemment, Ma gui était un des maîtres les plus réputés de l'époque, il avait étudié avec Yin fu dès son plus jeune age. Dong haichuan (fondateur du baguazhang), le maître de Yin fu, aimait aussi beaucoup Ma, le jeune prodige, et lui enseigna également son savoir directement. Lorsque Dong haichuan pris sa retraite et quitta le palais impérial, il alla s'installer chez Ma gui. Pour cette raison, Ma gui était très respecté dans le milieu des arts martiaux de l'époque, même par les maîtres renommés de la génération de son professeur.
Yin fu, le premier disciple de Dong haichuan
Ma était connu pour s'entrainer avec des anneaux de fer de 5 kilos à chaque poignet. A l'age de vingt ans, il était déjà un grand combattant et, comme il refusait rarement un combat, il avait défait de nombreux experts. Lorsqu'il travaillait pour le duc de Lan, celui-ci se reposait énormément sur lui et plus tard, il devint instructeur du prince royal. Après la chutte de l'empire et la proclamation de la première république, il travailla au bureau du président et huit années après, il devint instructeur principal à l'académie de police nationale.
Ma était très conservateur et ne divulgait pas beaucoup d'informations à ses élèves. Il avait de nombreux élèves mais tous, y compris son propre fils, n'avaient appris que des généralités et la base de son école. Il avait des exigences très élevées et, pour lui, un haut niveau ne devait être enseigné qu'à une personne de rare intelligence, de rare talent, doté d'une personnalité forte et d'une grande éthique de travail. De tous ses élèves, plusieurs étaient talentueux mais seul maître Wang peisheng devint réputé. On peut se demander aujourd'hui pourquoi Ma gui changea subittement sa façon d'opérer. Ce maître, alors bien agé, d'une telle réputation et qui n'avait toujours pas de successeur, vit certainement dans le jeune Wang une chance soudaine de transmettre toutes ses connaissances.
(A suivre...)