Témoignage sur Wang xiangzhai : Mi jingke (deuxième et dernière partie)
Un jour, alors que madame Mi pratiquait au parc Zhongshan, Wang xiangzhai s'approcha d'elle et lui dit : "Maintenant que tes yeux ont du gongfu, je vais t'enseigner comment pratiquer les "doigts d'acier" (jiegang zhi)."
Cette pratique se présente comme telle : En posture, bras fléchis et arrondis, le yeux se perdent au loin. Les indexs des deux mains sont légèrement pliés, comme s'ils crochetaient les deux sourcils. A tout moment, on doit sentir notre tête s'étendre légèrement vers le ciel ou porter quelque chose et au même moment, il faut imaginer que cela tire également les doigts et les entraine dans le mouvement.
Cette pratique finit par donner cette sensation, dans la vie de tous les jours, lorsque nos doigts se trouvent orientés vers nos sourcils, que seul un doigt est "éveillé" et "plein de force".
Mi jingke, très heureuse d'apprendre une nouvelle pratique, se mit aussitôt à l'entrainement : Elle pratiquait plus d'une heure chaque matin aux aurores. Au début, explique-t-elle, je sentis rapidement de la force s'exprimer dans mes doigts, mais aucune sensation particulière au niveau des sourcils, ni aucune connection entre les deux, ou sensation de crochetage. Après une dixaine de jours, dit-elle, je commençais à avoir cette impression de crochetage, mais avec une force peu prononcée et même, parfois, brisant cette connection lorsque je "tirais trop fort".
Mi jingke, en compagnie de Li jianyu en 2003. Debout, de gauche à droite : Bo jiacong, He zhenwei et Cui ruibin
Après plus d'un mois, elle pu retourner voir le maître afin de lui annoncer que les sensations étaient bien là et qu'elle avait senti que la force de la tête était venu plus rapidement que celle du corps entier...
Wang xiangzhai lui dit alors qu'elle avait réussi à tirer bénéfice de son handicap. Que si elle n'avait pas eu ce problème aux yeux, elle n'aurait jamais appris ce gongfu et que la plupart de ses élèves venu apprendre l'art martial ne l'avaient pas appris et ne l'apprendraient probablement jamais.
Il lui expliqua alors que l'origine de ce type de gongfu était lointaine. Auparavant, les artistes martiaux devaient être capable d'exprimer la force et de la faire jaillir par n'importe quelle partie de leur corps. Quand aux "doigts d'acier", il ne s'agissait, en fait, que d'un shili des doigts et des yeux.
Shili par Mi jingke
Wang xiangzhai enseignait de manière très personnelle en fonction de l'élève. Mi jingke questionna de nombreux élèves afin de savoir s'ils avaient appris ce gongfu mais sans résultat. Elle finit par en déduire qu'elle avait été la seule à recevoir cet enseignement.
Certains matins, après sa pratique, Mi jingke s'approchait du groupe d'élèves pour l'art martial afin de les observer dans leur entrainement. Un jour, un jeune homme d'une vingtaine d'années regardait également les pratiquants de tuishou et le maître s'approcha de lui pour lui demander s'il avait déjà terminé sa pratique. Le jeune homme répondit qu'il regardait encore un peu et qu'il retournait s'entrainer ensuite.
Wang xiangzhai lui dit alors : "Un corps si robuste et ça ne pratique même pas sérieusement ! "
Le jeune homme, soudainement vexé, répondit : " Je suis ouvrier dans une usine de métallurgie. Mon travail, c'est de déplacer des barres d'acier qui pèsent près de 150 kilos l'une. Je les porte sur mes épaules en les saisissant de mes propres mains et et j'en déplace plus d'une dixaine chaque demi-journée. Vous croyez que j'arriverais à faire ça sans un corps si robuste ?
Wang xiangzhai lui dit alors : "C'est vrai ? Alors croisons un peu les poignets (tuishou) que je ressente un peu quelle force tu as vraiment."
Le jeune homme répondit : "Mais, vos bras sont si frèles ! Non, je ne me mesurerai pas à vous ! "Le maître dit alors : "Ah, c'est comme ça ! Alors tu vas me pousser avec ton poing. Si tu parviens à me faire reculer sur ma jambe arrière, tu gagnes la partie. On va voir si ta force est si grande !"
Le jeune homme demanda où il devait placer son poing et Wang xiangzhai lui répondit où il le souhaitait. Il appuya donc sur son ventre de toutes ses forces mais le vieux maître ne bougeait pas. Il lui dit même "Plus fort, plus fort !!!" et le jeune homme plia ses deux jambes pour appuyer en force mais sans résultat.
Tout à coup, Wang xiangzhai fit un pas, faisant ainsi reculer le jeune une fois, puis une deuxième puis encore une fois. Il s'arrêta et lui dit alors : "Regardes toi, tu es tout en sueur. Reprends donc ton souffle ! " Puis il ajouta : "De si gros poings n'arrivent même pas à me faire reculer. Je te parie que je peux te faire reculer avec seulement deux doigts."
Il plaça alors l'extrémité de son index et de son majeur réunis sur le ventre du jeune homme, ses autres doigts étaient repliés. Puis il demanda au jeune homme s'il était prêt. Ensuite, il lui dit simplement "recules ! " et le jeune fut obligé de faire un pas en arrière, puis un deuxième puis un troisième.
Mi jingke nous raconte alors : "Comme j'ai toujours été curieuse, je me suis aussitôt demandé comment il était possible qu'un jeune, costaud comme il l'était, ne puisse pas faire bouger un vieillard frèle et comment ce dernier pouvait faire reculer l'autre avec seulement son ventre ou deux doigts. Poussée par la curiosité, j'allais questionner le jeune homme. Je lui demandais alors pourquoi il lui avait été impossible de bouger le maître et il répondit que plus il poussait, plus son ventre devenait dur. Ensuite, je lui demandais s'il avait eu la même sensation lorsqu'il fut repoussé en arrière et il me dit alors que le ventre de Wang xiangzhai n'était pas devenu aussi dur lorsqu'il avait été repoussé. Pourquoi n'avait-il pas cherché à ce moment à le pousser subitement plus fort ? Il me dit qu'il avait bien essayé mais sans résultat. Et lorsque je lui demandais ce qu'il avait ressenti quand il fut repoussé par les deux doigts du maître, il me dit que ses deux doigts étaient durs comme de l'acier et rentraient littéralement dans son foie, il lui était donc impossible d'y résister."
Comme madame Mi jingke ne parvenait toujours pas à comprendre ce qui s'était passé, elle demanda à un ancien élève qui avait longtemps pratiqué le tanglangquan (boxe de la mante religieuse).
Celui-ci lui répondit simplement : "as-tu jamais entendu le maître parler de l'équilibre ? "