Interview de Zhao daoxin (derniere partie)
Nos professeurs aiment chercher des techniques différentes et "garder des secrets" dans leur techniques. Mais, en fait, là ou il peut y avoir de grandes differences et ou l'on pourrait vraiment poser des secrets, c'est dans la méthode d'entrainement. La vraie applicabilité au combat vient de la méthode d'entrainement et les méthodes d'entrainement traditionnelles sont peu applicables. Il faut beaucoup de temps, et même apres de nombreuses années, vous n'êtes même pas sûr de pouvoir utiliser vos habilités dans un combat réel. L'entrainement est une science complexe mettant en jeu de nombreuses disciplines. La simple répétition du même exercice pendant des dixaines d'années n'est pas suffisant. Je n'en dirai pas plus sur ce sujet, en revanche je vais preciser quelques malaises.
Premièrement, il y a une lacune entre entraînement et application. Quel-que-soit le style, il y a un manque d'entrainement au combat : Quelle école traditionnelle passe la plupart de son temps à s'entraîner au combat ? (NDLR : aucune) Les professeurs de traditionnel font deux erreurs : Premièrement, ils disent que l'entrainement au combat ne doit être abordé qu'à la fin du processus d'apprentissage. Deuxièmement, ils pensent que lorsqu'on est devenu fort en tuishou, ou dans un autre exercice avec partenaire assimilé au combat, cela signifie que l'on a développe des capacités pour le combat. Bien sûr, il est difficile d'introduire le combat dans l'entrainement quotidien. Ceux qui pratiquent l'art martial dans leur temps de loisir ne souhaitent pas aller au travail le lendemain avec le visage enflé et une jambe abimée. Mais si l'on veut parvenir à un haut niveau de pratique, il faut passer par là. Dès le debut, il faudrait s'entrainer comme si l'on allait devoir combattre.
La seconde lacune se trouve dans la relation entre fatigue et intensité de la pratique. Les professeurs de traditionnel parlent de s'entrainer plusieurs heures par jour, ce qui consiste en une pratique longue mais peu intensive. Les muscles et les tendons ne sont pas sollicités d'une manière nécessaire au combat. Ces professeurs détestent utiliser des équipements modernes et ne demanderont pas à d'autres pratiquants de s'entrainer avec eux. Ils préferent s'entrainer dans des endroits sombres, à répéter les mêmes mouvements et à cogiter sur de nouvelles théories.
Il y a également encore une lacune dans la relation entre théorie et pratique, entre la technique et les caractéristiques physiques personnelles, entre ce qui est pratiqué au grand publique et en porte fermée. Et ce ne sont que quelques exemples...
Zhao daoxin, en compagnie de Yao chengguan
Nous parlions de l'art martial en general. Pourriez vous maintenant nous parler de certaines écoles en particulier ?
Commencons par le xingyiquan et le baguazhang...
D'abord le xingyiquan : Dans les années 20 et les années 30, il y avait beaucoup de représentants de cette école parmis les vainqueurs du tournois de Leitai. Mais de nos jours, le xingyiquan n'est plus aussi puissant. Les raisons de ce déclin, en plus de tous les problèmes communs aux arts martiaux chinois en général, sont que cette école, normalement basée sur l'harmonie - unité présente de nombreux aspects pour lesquels il existe un manque à cette soit disant harmonie.
Par exemple, il y a un manque d'harmonie entre technique et force. Les techniques de frappe du xingyiquan sont générées par la force de poussée. Le poing ou la paume vont essentiellement pousser l'adversaire et créer des dommages plus ou moins importants. Mais ces techniques ne devraient pas permettre de repousser l'adversaire lors des tuishou. En fait, on dirait que les pratiquants de xingyiquan ont du mal à faire leur choix entre techniques pour le tuishou ou pour le sanshou.
Egalement, un manque d'harmonie entre forme et intention. Tout le monde parle de forme et d'intention, disant que tout deux sont important, mais en fait la plupart de ces personnes s'enferment dans un de ces deux extrêmes...
Il y a également un manque d'harmonie entre techniques de combat et exercices.
On aime à comparer le xingyiquan avec la boxe occidentale et, à la fois, c'est une comparaison qui effraie. Les gens pensent que le "truc" chinois doit rester pur. Alors, lorsqu'il y a des similarités, même par coïncidence, ils préfèrent s'en débarasser. Mon avis est que, dans les méthodes d'entrainement aussi bien que dans les compétitions, le xingyiquan devrait apprendre de la boxe occidentale.
Zhao daoxin
Le fait que ces deux écoles essaient de se compléter mutuellement fut un résultat des contacts amicaux qu'entretenaient Dong haichuan et Guo yunshen ainsi que leurs élèves respectifs. Ensuite, Zhang Zhankui (Zhang zhaodong) essaya de les lier dans un système commun. Mais les faiblesses du xingyiquan ne peuvent être comblées par le bagua. Le baguazhang possède, lui même, de nombreuses lacunes, qui ne peuvent être comblées par le xingyi. Le Baguazhang est entouré d'un voile mystérieux qui empêche d'y voir clair. De l'extérieur, il semble complexe et mystérieux. La plupart des éléments constituant ce voile proviennent de légendes sur Dong haichuan et ses élèves. Ensuite, vient l'utilisation systématique et pourtant non nécessaire de la théorie des 8 trigrammes dans l'enseignement. Les maîtres de cette écoles parlent tous du livre des changements (yijing) mais aucun n'est capable de citer ne serait ce qu'un lien manifeste entre cette boxe et ce classique. Un troisième aspect de ce voile est la non distinction entre exercices basiques et combat. Même les professeurs de cette école doivent réfléchir à "comment utiliser tel ou tel changement" ou bien "comment bouger autour de l'adversaire en utilisant la marche tangnibu" ou encore "comment faire pour se retrouver dans le dos de l'adversaire" , tout cela n'étant que pensées illusoires. Et même après avoir passé tous les aspects de ce voile, les pratiquants ne font qu'étendre leurs bras et tournent autour, comme le ferait un patineur débutant, faisant parfois des rotations extrêmes en guise de changement. Cette boxe n'est donc qu'un mélange de légendes, de vieilles écritures saintes et de techniques étranges.
Zhang zhaodong, fondateur du xingyibaguazhang
Le taijiquan attire de nombreuses personnes de par sa théorie ainsi que ses bénéfices sur la santé. Mais nombreux sont ceux qui doutent qu'une méthode aussi douce et lente puisse fonctionner contre la force explosive.
Le regard du néophite n'est pas encore biaise, sa première impression est donc souvent la bonne. Le taijiquan possede sa propre facon de mesurer le niveau en tuishou, pourquoi donc ne pas s'en contenter ? Tous les arts martiaux ne se peuvent pas être éfficace en combat réel. Je me souviens qu'a l'epoque de la premiere république en Chine, les experts de taijiquan expliquaient que la raison pour laquelle les pratiquants de taiji ne pouvaient montrer leur habilités au combat était que cet art est trop profond et qu'il est donc difficile d'en maitriser tous les aspects. Etait-ce une sorte d'excuse ou bien une simple constatation ? La théorie du taiji est formidable et pourrait être un modèle pour les autres écoles. L'idee principale étant la relation entre le yin et le yang : Vous voulez être dur ? Alors commencez par être aussi souple que possible, car la souplesse extrême devient dure. Vous voulez etre rapide ? Alors commencez par la lenteur. Cette philosophie, qui dit que les extrêmes se transforment en leurs opposés est attirante pour de nombreuses personnes mais quelqu'un l'a-t-il seulement testé ? La reponse est non et si vous saviez ce que ces maîtres, soit disant capables d'émettre la force, pratiquent en secret, vous comprendriez de quoi je veux parler.
Donc, vous voulez dire en quelques sortes que les jeunes gens qui veulent développer des habilités au combat sont, en fait, embrouillés par les concepts du taijiquan. Dans ce cas, alors, peut-etre que la boxe de shaolin est plus sincère ? Elle pratique et entraine à la dureté, la vitesse, la force en utilisant pieds et mains. Beaucoup pensent que les moines de shaolin sont les "derniers maitres du combat véritable"...
Des généraux de la dynastie Ming se rendirent au temple de shaolin avec une telle opinion et en revinrent tres déçu. De nos jours, beaucoup de jeunes gens quittent l'ecole pour aller apprendre à shaolin et la même chose se produit : leur foi se retrouve réduite en cendre. Ils arrivent là-bas avec la volonté de développer d'incroyables capacités au combat, inaccessible aux gens normaux. Mais, en réalité, ils n'apprennent que des trucs d'accrobate. Les methodes d'entrainement qu'ils y apprennent sont depassées et inaptées à développer de véritables capacités au combat. Casser des pierres, tenir en équilibre sur un doigt et encaisser des coups sont des trucs de démonstration qui, additionnés de quelques autres trucs d'illusionniste, enchanteront un publique de spectateur. Le "nouveau wushu" de Ma liang (Ma liang fut, en 1918, auteur du livre "les nouveaux arts martiaux chinois") et le wushu moderne, malgrés ce qu'en pensent les representants des systemes traditionnels, sont basés sur la boxe de Shaolin. De ce que j'ai en memoire, dans les annees 20 et 30, ces "derniers maîtres du combat véritable" n'ont cessé de perdre aux tournois de Leitai et s'enfuyaient alors comme des rats.
Et que pensez-vous des systèmes du sud de la Chine ?
Lorsque l'on observe les systèmes du sud, on peut constater qu'ils ont leurs caracteristiques propres. Mais je ne peux en dire beaucoup, ne les ayant pas étudié moi même. La seule chose que je souhaiterais dire est que d'après ce que j'en ai vu aux tournois de la fin des annees 20, "le vent du sud ne vous donne pas froid dans le dos"...
Pourriez-vous, finalement, nous parler de l'art que vous avez vous-même créé ?
Mon "truc" a pour origine erreurs et défaites. Lorsque j'étais jeune, j'aimais combattre contre les experts renommés. Je n'avais aucun respect pour eux et lorsque je les battais, je n'avais aucun égard pour les points forts qu'ils maîtrisaient. Ce qui a, non seulement, empêché tout échange de connaissance mais en plus blessé mes opposants (dans leur ego). Et, comme je maintenais fermement des vues différentes et opposées à ce qui était communément admis sur l'art martial chinois, j'ai gardé mes distances avec le milieu des arts martiaux. Aujourd'hui encore, les gens disent de moi que je suis un excentrique borné.
Au début, j'ai créé le xinhuizhang afin d'expliquer la facon traditionnelle d'émettre la force mais, en fait, il ne s'agit finalement que d'une forme qui ne peut être considerée comme une façon concrète d'améliorer les habilités au combat. Ce n'est qu'aujourd'hui que je commence un travail de synthèse des differentes méthodes d'entrainement et méthodes de combat dont j'ai tiré bénéfice, pensant les inclure dans le xinhuizhang. Mais la facon de s'affronter sur la scène internationale est en constante évolution, donc mon "truc" est constamment dépassé par d'autres. Si je ne travaille pas à son amélioration permanente, il ne progressera jamais. Dernièrement, je m'interroge beaucoup sur une facon correcte pour le xinhuizhang d'emmettre une force explosive avec les jambes, ce problème reste irrésolu pour le moment. J'espère que les plus jeunes que moi n'hésiterons pas à me critiquer.