Un maître du yiquan aux USA (3e partie)
Q : Franchement, je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie yi. Ca veut bien dire intention, c’est ça ?
Fung cheuk : Intention est la traduction qui s’en approche le plus. Imagine un petit bébé qui veut du lait… Il va ramper, grimper, pousser, chercher à atteindre, pleurer ou faire n’importe quoi pour avoir ce lait. Ici, le désir de lait, c’est le yi.
Q : Donc, si je suis en train de conduire ma voiture et que je décide d’aller à gauche… L’intention « d’exécuter ce virage » c’est le yi ?
Fung cheuk : En gros, oui, c’est ça. La seule différence est que l’action innocente du bébé devient une action conditionnée pour le cas du conducteur. Vérifier le trafique, mettre le clignotant, tourner le volant, appuyer sur les pédales sont des actions dirigées et coordonnées par le désir de tourner à gauche, le Yi. Comme je l’ai déjà dit, le yiquan nous aide à lier inconsciemment l’intention de nous protéger avec la réponse « entrainée » basée sur la force hunyuan.
Donc, dans un combat, on utilise le yi de « donner un coup de poing » ?
Fung cheuk : Non, pas du tout. Dans un combat, le yi devrait être celui de neutraliser quelqu’un, de le mettre KO, de le stopper… quelque chose comme ça. Ca a à voir avec l’effet que vous voulez créer. Comme lorsque l’on conduit, on ne doit pas se focaliser sur la façon dont l’effet est produit. Il faut laisser « l’intelligence du corps » trouver comment faire en sorte que ça se passe. Le type de coup de poing, l’angle d’attaque, le timing, la distance, la puissance…etc, vont tous être déterminés par l’intuition en sorte qu’ils accomplissent le désir du yi.
Q : Je vois ce que vous voulez dire. C’est la question de la difficulté de relier le yi aux capacités, basées sur la force hunyuan, que l’on a acquis, c’est ça ?
Fung cheuk : Exactement. Les capacités au combat qui sont basées sur l’utilisation de tel mouvement pour répondre à tel mouvement et tous les entrainement de ce type sont quasiment inutiles. Il n’y a pas de temps pour la pensée conceptuelle ou le résonnement déductif ou encore la logique abstraite lorsque le « vous savez quoi» vous arrive en plaine poire ! Ce que nous voulons, c’est relier directement le yi avec le coup de poing ou la réponse martiale à laquelle nous nous sommes entrainé. Nous ne pratiquons pas de méthode rigide parce que nous ne souhaitons pas programmer de réponse rigide. Ce que nous voulons, c’est une réponse qui soit dynamiquement appropriée à la situation.
Q : A quoi correspond le tuishou dans le yiquan ?
Fung cheuk : Le tuishou est un jeux, ou plutôt une pratique déguisée en jeux, dont nous nous servons pour savoir où en est notre capacité à nous servir de la force hunyuan. Au niveau le plus basique de la pratique, c’est un entrainement en coopération où l’un des pratiquant se contente de rester dans une forme, laquelle va permettre à l’autre pratiquant de tester sa force. Avec du temps, ça peut devenir quelque chose de plus compétitif où les deux pratiquants essaient mutuellement leur force sur l’autre. Le tuishou permet de comprendre comment utiliser et appliquer la force hunyuan à l’auto-défence, après l’avoir développée au travers du zhanzhuang et du shili. Encore une fois, pas de forme fixe, pas de règle figée.
Q : Pourquoi insistons nous pour pousser le partenaire au lieu de le frapper ?
Fung cheuk : En fait, nous nous entrainons à frapper, c’est juste que tu comprends mal le pourquoi de ces poussées. En Yiquan, les poussées sont un outil d’entrainement qui nous aide à affiner l’utilisation de la force hunyuan, pas une technique d’attaque à proprement parler. En d’autres termes, on n’utiliserait jamais simplement une poussée dans une vraie bagarre.
Travail du tuishou et du "saut en arrière" tel qu'enseigné par le maître You pengxi
Q : Mais alors, pourquoi utilisons nous ces poussées sans arrêt ?
Fung cheuk : Une bonne poussée signifie simplement que la force hunyuan a été correctement appliquée. Dans notre méthode de tuishou, les deux pratiquants sont en entrainement permanent. Il n’arrive jamais qu’un des deux pratiquants serve de poupée de chiffon à l’autre. Celui qui utilise la force s’entraine à trouver le centre de son opposant et y appliquer la force dans l’angle qui convient le mieux. Celui qui reçoit la force s’entraine à protéger son centre et absorber ou rediriger la force hunyuan qui est appliquée sur lui. Une poussée arrive, alors, lorsque le pratiquant qui reçoit la force est submergé et près à lâcher sa forme : le résultat est qu’il laisse, finalement, la force de son opposant le projeter.
Q : Quel est le but de frapper le sol avec les pieds ? (NDR : Le « saut en arrière », une pratique mise au point par You pengxi et qui est propre à son école)
Fung cheuk : Rappelles toi, tu ne veux pas que ta forme soit submergée au point que ton équilibre soit rompu. Donc, en te projetant au loin d’un seul bloc, tu grades ta forme et ton équilibre intacte. Tu ne souhaites pas tituber en arrière en retombant au sol, car cela donnerait à ton adversaire un gros avantage. A la place, nous préférons contrôler l’atterrissage et être capable de revenir aussitôt sur l’adversaire en contre attaquant instantanément.