Histoire de l'art martial : Les techniques du souffle vital
La pratique de l'art du combat à main nue est donc arrivée jusque dans les monastères bouddhistes à la fin de la dernière dynastie chinoise, celle des Ming (voir précédent article sur l'histoire de l'art martial), à une époque où la résistance au nouveau pouvoir en place s'y cachait probablement.
Le monastère de Shaolin développa sa boxe seulement à cette période, bien que les moines pratiquaient déjà l'art de combat au baton et avaient déjà été sollicité préalablement dans l'histoire de la Chine pour renforcer les effectifs des armées impériales. Notons au passage que d'autres moines soldats participèrent à différentes batailles historiques : Ceux d'Emeishan au Sichuan, de Wutaishan au Shandong, de Funiu dans le Henan...
Mais ces faits historiques n'expliquent toujours pas le lien existant aujourd'hui entre traditions martiales et spiritualité.
Les pratiques de Daoyin remontent à des temps ancestraux en Chine, elles sont rattachées aux traditions chinoises anciennes qui sont à l'origine du Taoïsme. L'alchimie interne (Neidan), à la base de la religion du Dao, est entièrement axée sur les pratiques de cultivation du souffle (Qi).
L'idée de Qi (souffle vital), inexistante dans notre culture occidentale, nous est particulièrement bien expliquée par le professeur Anne Cheng dans son livre "Histoire de la pensée chinoise" (Editions du Seuil, 2002) :
"L'unité recherchée par la pensée chinoise tout au long de son évolution est celle même du souffle (Qi), influx ou énergie vitale qui anime l'univers entier."..."Toute réalité, physique ou mentale, n'étant rien d'autre qu'énergie vitale, l'esprit ne fonctionne pas détaché du corps..."..."Source de l'énergie morale, le qi, loin de représenter une notion abstraite, est ressenti jusqu'au plus profond d'un être et de sa chair. Tout en étant éminemment concret, il n'est cependant pas toujours visible ou tangible : ce peut être le tempérament d'une personne ou l'atmosphère d'un lieu, la puissance expressive d'un poème ou la charge émotionnelle d'une oeuvre d'art."
Cultiver le souffle, c'est cultiver à la fois le corps et l'esprit. Les chinois pratiquèrent ces exercices dès l'époque des Han de l'ouest (~190 - 168 av JC), le plus ancien document en attestant étant le rouleau de Mawangdui, dit Daoyintu.
Il est possible que le lien qui ait uni ces pratiques respiratoires ancestrales aux techniques de boxe ainsi et techniques guerrière fut, tout d'abord, essentiellement pratique :
Les boxes chinoises furent développées, pour la plupart, par d'anciens militaires aguerris. Ceux-ci connaissaient donc un des principaux problèmes que doit surmonter le soldat : vaincre la peur de la mort, une peur viscérale qui paralyse le corps et rend inapte au combat.
Les blocages liés à cette peur prennent naissance dans le diaphragme (d'où l'expression française "d'avoir la peur au ventre"). Or, il s'avère qu'une des façons physiologiques de surmonter cette peur est de savoir contrôler son diaphragme par l'intermédiaire de sa respiration, ce que savent tous les médecins sophrologues et ce que les pratiques Taoïstes de cultivation du souffle enseignent depuis des millénaires...
- La respiration étant la seule fonction physiologique inconsciente de notre organisme à être également controlable de manière consciente. Elle se trouve donc à cheval entre le corps et l'esprit, le conscient et l'inconscient et en assure ainsi un lien certain -
L'enseignement véhiculé par le bouddhisme, arrivée d'Inde au 1er siècle, se chargea de la tradition chinoise pour donner naissance à une école nouvelle qui vit le jour au 8e siècle de notre ère : la secte Chan (Dhyana en sanscrit). Celle-ci, influencée par la tradititon chinoise taoïste, se concentra plus sur la pratique que sur l'étude des soutras (enseignements écrits).
La pratique des exercices du souffle présente aujourd'hui au monastère de Shaolin est souvent attribuée au moine indien Boddhidarma. Elle serait à l'origine de la boxe de Shaolin, légendairement considérée comme la plus ancienne en Chine. Les classiques dit "du lavage de la moëlle" (xishuijing) et "de la transformation des tendons" (yijinjing) seraient tous deux ses écrits, transmetteurs du secret de son éveil après une méditation face au mur (biguan) qui aurait durée 9 années.
Or, si les deux écrits existent bel et bien, la venue du prètre indien à Shaolin est, en revanche, très discutée. Il aurait séjourné à Luoyang, ville proche du monastère du Henan mais rien ne laisse à penser qu'il s'y rendit. Et les deux textes seraient, quand à eux, l'oeuvre d'un lettré probablement taoiste, à en juger par son pseudonyme (zining daoren : l'homme du Dao aux méditations pourpres). Daoren étant un qualificatif des personnes se réclamant de la tradition taoïste et la couleur pourpre étant également redondante dans la littérature taoïste...
Ces deux textes attestent bien de l'échange culturel qui eut lieu entre les deux traditions, indienne et chinoise, pour donner naissance à une nouvelle école bouddhiste : le Chan.
On pourrait donc considérer qu'une autre réponse à ce problème qu'est surmonter la peur de la mort fut amenée en Chine par l'intermédiaire d'une religion étrangère : le bouddhisme. Car les préceptes bouddhistes de détachement constituent également une possibilité de se soustraire au contrôle qu'a la vie sur l'homme.
Ainsi, le syncrétisme des techniques guerrières et de contrôle du souffle, purement pratique, ammena surement à un rapprochement de l'art martial et de la spiritualité. Tout deux cherchant l'accomplissement de l'homme dans son domaine (gongfu)...
Le monastère de Shaolin développa sa boxe seulement à cette période, bien que les moines pratiquaient déjà l'art de combat au baton et avaient déjà été sollicité préalablement dans l'histoire de la Chine pour renforcer les effectifs des armées impériales. Notons au passage que d'autres moines soldats participèrent à différentes batailles historiques : Ceux d'Emeishan au Sichuan, de Wutaishan au Shandong, de Funiu dans le Henan...
Mais ces faits historiques n'expliquent toujours pas le lien existant aujourd'hui entre traditions martiales et spiritualité.
En Chine, les pratiques du souffle ont longtemps fait partie du paysage quotidien
Les pratiques de Daoyin remontent à des temps ancestraux en Chine, elles sont rattachées aux traditions chinoises anciennes qui sont à l'origine du Taoïsme. L'alchimie interne (Neidan), à la base de la religion du Dao, est entièrement axée sur les pratiques de cultivation du souffle (Qi).
L'idée de Qi (souffle vital), inexistante dans notre culture occidentale, nous est particulièrement bien expliquée par le professeur Anne Cheng dans son livre "Histoire de la pensée chinoise" (Editions du Seuil, 2002) :
"L'unité recherchée par la pensée chinoise tout au long de son évolution est celle même du souffle (Qi), influx ou énergie vitale qui anime l'univers entier."..."Toute réalité, physique ou mentale, n'étant rien d'autre qu'énergie vitale, l'esprit ne fonctionne pas détaché du corps..."..."Source de l'énergie morale, le qi, loin de représenter une notion abstraite, est ressenti jusqu'au plus profond d'un être et de sa chair. Tout en étant éminemment concret, il n'est cependant pas toujours visible ou tangible : ce peut être le tempérament d'une personne ou l'atmosphère d'un lieu, la puissance expressive d'un poème ou la charge émotionnelle d'une oeuvre d'art."
Cultiver le souffle, c'est cultiver à la fois le corps et l'esprit. Les chinois pratiquèrent ces exercices dès l'époque des Han de l'ouest (~190 - 168 av JC), le plus ancien document en attestant étant le rouleau de Mawangdui, dit Daoyintu.
Rouleau de Mawangdui illustrant des pratiques du souffle vital (Daoyinfa)
Il est possible que le lien qui ait uni ces pratiques respiratoires ancestrales aux techniques de boxe ainsi et techniques guerrière fut, tout d'abord, essentiellement pratique :
Les boxes chinoises furent développées, pour la plupart, par d'anciens militaires aguerris. Ceux-ci connaissaient donc un des principaux problèmes que doit surmonter le soldat : vaincre la peur de la mort, une peur viscérale qui paralyse le corps et rend inapte au combat.
Les blocages liés à cette peur prennent naissance dans le diaphragme (d'où l'expression française "d'avoir la peur au ventre"). Or, il s'avère qu'une des façons physiologiques de surmonter cette peur est de savoir contrôler son diaphragme par l'intermédiaire de sa respiration, ce que savent tous les médecins sophrologues et ce que les pratiques Taoïstes de cultivation du souffle enseignent depuis des millénaires...
- La respiration étant la seule fonction physiologique inconsciente de notre organisme à être également controlable de manière consciente. Elle se trouve donc à cheval entre le corps et l'esprit, le conscient et l'inconscient et en assure ainsi un lien certain -
L'enseignement véhiculé par le bouddhisme, arrivée d'Inde au 1er siècle, se chargea de la tradition chinoise pour donner naissance à une école nouvelle qui vit le jour au 8e siècle de notre ère : la secte Chan (Dhyana en sanscrit). Celle-ci, influencée par la tradititon chinoise taoïste, se concentra plus sur la pratique que sur l'étude des soutras (enseignements écrits).
Les moines de Shaolin pratiquant leur traditions des exercices du souffle
La pratique des exercices du souffle présente aujourd'hui au monastère de Shaolin est souvent attribuée au moine indien Boddhidarma. Elle serait à l'origine de la boxe de Shaolin, légendairement considérée comme la plus ancienne en Chine. Les classiques dit "du lavage de la moëlle" (xishuijing) et "de la transformation des tendons" (yijinjing) seraient tous deux ses écrits, transmetteurs du secret de son éveil après une méditation face au mur (biguan) qui aurait durée 9 années.
Or, si les deux écrits existent bel et bien, la venue du prètre indien à Shaolin est, en revanche, très discutée. Il aurait séjourné à Luoyang, ville proche du monastère du Henan mais rien ne laisse à penser qu'il s'y rendit. Et les deux textes seraient, quand à eux, l'oeuvre d'un lettré probablement taoiste, à en juger par son pseudonyme (zining daoren : l'homme du Dao aux méditations pourpres). Daoren étant un qualificatif des personnes se réclamant de la tradition taoïste et la couleur pourpre étant également redondante dans la littérature taoïste...
Ces deux textes attestent bien de l'échange culturel qui eut lieu entre les deux traditions, indienne et chinoise, pour donner naissance à une nouvelle école bouddhiste : le Chan.
On pourrait donc considérer qu'une autre réponse à ce problème qu'est surmonter la peur de la mort fut amenée en Chine par l'intermédiaire d'une religion étrangère : le bouddhisme. Car les préceptes bouddhistes de détachement constituent également une possibilité de se soustraire au contrôle qu'a la vie sur l'homme.
Ainsi, le syncrétisme des techniques guerrières et de contrôle du souffle, purement pratique, ammena surement à un rapprochement de l'art martial et de la spiritualité. Tout deux cherchant l'accomplissement de l'homme dans son domaine (gongfu)...