Histoire de l'art martial : Le développement de la boxe.

Au regard des recherches les plus récentes, il apparait donc clairement que :

- Les techniques à main nue se sont développées essentiellement après la chutte des Ming (1644).

- La boxe de Shaolin n'existe pas avant cette période et l'art martial chinois est surtout un art militaire dont la pratique des armes prévaut sur celle à main nue.

Ces deux constatations rendent alors un autre célèbre texte historique sur l'art de la boxe particulièrement intéressant : L'épitaphe à Wang zhengnan (Wang zhengnan muzhi ming).

Le texte, composé par Huang zongxi, un lettré de la cour des Ming qui devint une figure de la résistance anti-mandchou, raconte la vie exemplaire d'un certain Wang zhengnan, maître de la "boxe de la famille interne" (Neijiaquan). Ce texte, daté de 1669, est le premier dans l'histoire à distinguer une école en contraste avec celle de Shaolin, alors désignée comme "Externe".

Le passage faisant cette distinction est le suivant (traduction personnelle) :

" Shaolin est réputé sous le ciel par ses boxeurs, mais ils accordent beaucoup d'impotance à l'offensive. Il est donc possible pour quelqu'un de prendre l'avantage sur eux. Il y a également ceux qui pratiquent ce qui s'appelle "l'école interne" (neijiaquan). Ceux là utilisent la tranquilité pour vaincre le mouvement, les envahisseurs voient alors leur attaque se retourner contre eux, depuis longtemps ce qui se rattache à shaolin est appelé "école externe".

Huang zongxi (1610 - 1695), décrit donc l'école du maître Wang zhengnan, dont lui et son fils (Huang baijia) furent disciple, en l'opposant aux techniques à main nue du monastère de Shaolin à une époque ou ces dernières commencent tout juste à voir le jour...





Démonstration de Wuziquan, école créé par Yu kerang. Celui-ci fut disciple de Wang zhengnan pour le Neijiaquan et aurait également étudié le Hequan (boxe de la grue) et le Houquan (boxe du singe).





La paternité de l'école transmise par Wang zhengnan attribuée à Zhang sanfeng, ermite taoïste légendaire, n'est donc sans évoquer une volonté de rapprocher l'art martial à main nue des traditions de la Chine primitive. Et ce, surement afin de renforcer un sentiment de fierté et de bravoure face à un envahisseur étranger à une époque ou les chinois sont asservis sur leur propre territoire.

Un autre texte, tout aussi intéressant, et mis en évidence par le professeur Shahar dans son "Shaolin monastery : History, religion and the chinese martial art" est le Quanfa beiyao (Recueil de méthodes de boxes chinoises).

La préface de cet ouvrage date de 1784 et de nombreuses références y sont faites au manuel de Qi jiguang avec, cependant, une différence : Les passages reprenant la description de diverses boxes et méthodes de combat les font alors remonter historiquement à Shaolin !

Ainsi, alors que le jixiao xinshu parle d'une boxe attribuée à l'empereur Zhao taizu des Song (Zhao taizu changquan), le quanfa beiyao parle de la même boxe en ajoutant que Zhao taizu avait étudié au monastère de Shaolin.
En revanche, le jixiao xinshu, pourtant censé évoquer les boxes les plus fameuses n'évoque de Shaolin que son art du baton ...




Le maître Liang yiquan démontrant la première forme du Taizu changquan




Le Quanfa beiyao se réclame donc de la ligné de Shaolin. Il comporte, cependant, certains passages explicites sur les principes essentiels ainsi que sur les différentes catégories de boxe chinoise. Y sont expliqués les principes du "faible défendant le fort" (ruo di qiang) ainsi que de "la souplesse qui l'emporte sur la dureté" (rou sheng gang).




Un posture illustrée du Quanfa beiyao




Deux catégories de boxe y sont développées : les boxes longues (changquan) et les techniques rapprochées (duanda). Expliquant que les techniques rapprochés peuvent renverser les boxes longues car elles permettent plus facilement d'atteindre le corps de l'adversaire, un passage entier du livre est intitulé "Traité originel de la méthode pour exécuter les techniques rapprochées du monastère de Shaolin" (Shaolin si duanda shenfa tong zong quanpu).

Les principes des écoles, aujourd'hui considérées comme faisant partie "de la famille interne" et rattachées historiquement à Zhang sanfeng et au monastère Taoïste du Wudang, sont donc décrit dans un ouvrage se voulant de la tradition de Shaolin et estimé du 17e siècle...


Au regard de tous ces faits historiques, le lien entre la religion et l'art martial chinois n'est plus aussi évident, l'origine de la boxe attribuée à Shaolin apparaissant alors clairement comme une légende dénuée de tous fondements...



(A suivre...)

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