Histoire de l'art martial : L'art militaire.


L'art martial, dans l'histoire, fut avant tout un art militaire. Les documents les plus anciens existant en Chine (Wubian, zhenji, Jixiao xinshu, Jianjing, Wubeizhi) viennent confirmer cette idée.

Le jixiao xinshu (Nouveau traité sur l'efficacité d'une armée), qui aurait été compilé par le général Qi jiguang en 1562, donc sous les Ming, présente un recueil de techniques puisées dans différentes boxes. Sa fonction fut de former les soldats au combat. Il semblerait qu'à cette époque, l'art martial fut totalement dépouillé de quelconques notions de spiritualité. Il s'agissait alors de techniques pratiques, guerrières, dont la fonction était de servir au champs de bataille.




Techniques au baton du Wubeizhi (1621)



Les techniques de baton de Shaolin sont représentées dans cette compilation mais l'art à main nue n'existe pas encore au monastère du Henan à cette époque.

Le professeur Meir Shahar, de l'université de Tel Aviv, explique dans son ouvrage "The Shaolin monastery : History, religion and the chinese martial art" (University of Hawai'i press, 2008) que de son époque, le général Qi jiguang avait déjà fait une critique de la boxe chinoise, au sein de laquelle il voyait un manque de réalisme dans certaines postures, trop axées sur l'esthétisme. Il s'expose en ces termes : "Sans posture ou technique précise, vous serez efficace avec un seul mouvement. Mais si vous commettez l'erreur de faire des postures et des pauses précises, vous n'aurez aucune effectivité, même en dix mouvements."




Le général Qi jiguang (1528 - 1588)




Monsieur Shahar cite également le professeur Douglas Wile. Celui-ci, dans un de ses ouvrages, citait Tang shunzhi (1507 - 1560) qui, dans son "traité sur les affaires militaires" (Wubian), s'était déjà exprimé en ces termes : "La raison pour laquelle il existe des postures dans l'art martial est de faciliter l'enchainement. Les formes contiennent des postures fixes mais, dans la pratique réelle, elles deviennent fluides, tout en conservant leurs caractéristiques dans la structure."

Ainsi, la critique d'une pratique trop esthétique et pas assez efficiente en Chine existe déjà au 16e siècle, à une époque ou la boxe de Shaolin n'a pas encore vu le jour...
Mais cet art martial chinois prend une tout autre dimension à la fin de la dynastie Ming, lorsque les mandchous prennent le pouvoir et fonde la dynastie des Qing. A cette période, une résistance anti-mandchou se met en place et prend refuge dans les campagnes et les monastères. C'est à cette période que se développèrent véritablement les boxes que nous connaissons aujourd'hui.

Un exemple illustrant parfaitement la façon dont se développèrent ces écoles de boxe est l'histoire de Chen wangting, considéré comme le "père fondateur" du taijiquan (même si le terme Taijiquan n'apparait dans aucun de ses écrits).
Dans son ouvrage, Meir Shahar cite les travaux de recherche publiés par les historiens Tang hao et Gu liuxin dans leur "Etude approfondie sur le Taijiquan" (Taijiquan yanjiu, 1964) :

"Sous les Ming, Chen wangting avait officiellement été désigné comme inspecteur régional pour les régions du Shandong, Zhili et Liaodong. Il avait une expérience du champs de bataille, ayant combattu plusieurs fois en première ligne contre l'envahisseur mandchou aux frontières nord du térritoire. Après l'invasion des Qing en 1644, il se retira dans son village natal pour se consacrer au perfectionnement de sa technique à main nue."
Il écrit : "Je soupire lorsque je repense à ces années pendant lesquelles, vétu de mon armure et maniant la lance, j'ai repoussé ces hordes de bandits, me mettant en danger incessamment ... Maintenant vieux et fané, je n'ai plus rien d'autre que le livre huangtingjing ("Classique de la court jaune", recueil taoiste de techniques repiratoires) pour me tenir compagnie. Lorsque je m'ennuie, j'invente de nouvelles techniques à mains nues (quan), lorsque c'est la saison, je laboure la terre et lorsque j'ai du temps, j'instruis quelques disciples et descendants afin de leur permettre de devenir aussi fort que tigres et dragons."



Représentation de Chen wangting (1587-1664), au premier plan




Ainsi, l'ancètre de la boxe Taiji naissait à quelques kilomètres du monastère de Shaolin à l'époque même ou l'art à main nue commençait à y apparaitre.

Un autre fait intéressant vient de la découverte du grand nombre de postures dont les noms sont similaires dans ces deux boxes. Les noms de ces postures, qui sont "communes" au Shaolinquan et au Taijiquan se trouvent, par ailleurs, toutes dans le "classique de la boxe" (quanjing) la compilation de technique à mains nues du Jixiao xinshu.

Posture "d'enfoncer vers le bas" du Quanjing



Ainsi, par exemple, les postures Jingji duli (le coq d'or se tiens sur une patte), Fuhu (se pencher sur le tigre) ou bien encore xianlong (chevaucher le dragon) et qixing (les sept étoiles) faisaient toutes partie de la pratique enseigné par le général Qi jiguang à ses troupes. Ces même troupes défendirent le térritoire contre l'envahisseur mandchou avant la chutte de la dernière dynastie chinoise...





(A suivre...)

Articles les plus consultés