Notions de Qi (première partie)
Si l'on s'en réfère à l'étymologie du caractère, les choses se compliquent et dévoilent alors toute la richesse et la complexité de la langue chinoise :
Selon Madame Catherine Despeux (in "Traité d'alchimie et de physiologie Taoïste", Les deux océans, Paris, 1979):
"D'après le shuowen (NDT : Shuowen jiezi, un des premier dictionnaire datant du 1er siècle de notre ère, donnant l'explication détaillée de chaque caractère), ce terme désigne les vapeurs qui s'élèvent. On peut noter quatre graphies différentes de cette notion. La première est formée de l'élément vapeur (气) avec, au dessous, le feu (火). Elle se trouve dans l'inscription des Zhou sur la circulation du souffle, publiée et étudié par Guo moruo. La deuxième (炁) est une ancienne graphie, formée en haut de la négation et en bas du feu. A partir de la dynastie des Song, cette graphie est utilisée pour désigner le souffle du ciel antérieur par opposition au souffle du ciel postérieur, écrit selon la graphie courante de ce terme. La troisième graphie est uniquement constituée de l'élément vapeur, elle était surtout employée dans le style calligraphique Lishu. Enfin, la dernière graphie et la plus courante est formée de l'élément vapeur avec au dessous l'élément riz (氣). C'est le souffle dans sa fonction nourricière..."
Il est très rarement fait mention du premier caractère décrit ici par madame Despeux et qui semble, pourtant, être la plus ancienne représentation de cette notion de Qi. L'inscription des Zhou dont elle parle ici fait référence aux nombreuses inscriptions sur carapaces de tortues et omoplates de moutons datant de l'époque des Zhou occidentaux (11e - 7e siècle avant notre ère) dont Guo moruo avait effectué une étude approfondie. Ce caractère ressemble alors au caractère Qi utilisé de nos jours (氣), mais, sous la vapeur, à la place du riz, figure le feu.
Représentation graphique du Qi sous les Zhou (l'air et le feu)
Ce "Qi" n'est donc pas sans évoquer le second caractère dont il est fait mention dans le texte, si l'on considère une confusion courante faite dans son interprétation : Il est expliqué ici que ce caractère est composé de l'élément feu en bas (灬) et de la négation (无) alors que l'élément figurant dans la partie supérieure du caractère (旡) n'est pas la négation mais, selon Léon Wieger, l'opposé de l'élément (欠) qui représente l'action de bailler, d'exhaler bruyamment. Ce Qi, est souvent utilisé pour exprimer le "qi du ciel antérieur" (xiantianqi) et c'est surement ce qui donna un sens à l'explication du "qi sans le feu" (négation du feu) puisque le feu est l'élément représentant l'esprit conscient qui n'existe pas avant notre naissance. Ce caractère évoque, en fait, le fait d'inspirer ( 旡), fait mis en action par la pensée consciente (灬, le feu) : C'est la première inspiration, celle du nouveau-né, qui initialise toute vie humaine.
A ces différents caractères représentant la notion de Qi évoqués par madame Despeux, on peut en ajouter un supplémentaire, le caractère 既 (se prononce Ji). Ce dernier se décompose en deux éléments, une graine (la semence, le potentiel de vie) à droite et à nouveau l'inspiration sur la gauche.
Ji, dans sa graphie ancienne
Il semblerait, au regard de ces différentes graphies, que la notion de Qi soit absolument inséparable de la cosmogonie chinoise traditionnelle, née sous les Zhou et véhiculée jusqu'à nos jours par le Taoïsme. Une notion particulièrement importante pour comprendre le sens du "souffle" est le lien qu'il entretient avec l'eau et le feu (le corps et l'esprit, le yin et le yang) dont il représente une sorte de liaison "harmonieuse". Cette liaison est exprimée, dans l'alchimie taoïste, par l'association Jing - Qi - Shen (essence - souffle - esprit) et représenté par les éléments eau - vent - feu.
A suivre...