Interview du Maître Gao tieniao (1ere partie)

 L'article qui suit est une traduction que j'ai effectué de l'interview du maître Gao tieniao publiée par Stockholm Wushuguan en anglais. Vous pourrez trouver l'article original ici

Maître Gao tieniao est un monsieur d'une extrême amabilité au parcours incroyable. Ses compétences sont très nombreuses et profondes et il convient de lui accorder, à mon avis, une attention particulière, ne serait ce que pour sa grande expérience. J'espère toujours pouvoir l'accueillir un jour en stage en France, nous verrons si ce souhait se réalisera un jour...


Stockholm Wushuguan : Quand avez-vous débuté la pratique de l’art martial ?

 

Gao Tieniao : Quand j’étais tout petit j’étais déjà très intéressé par les arts martiaux. J’ai pratiqué avec mon frère, alors qu’il étudiait l’opéra de Pékin au lycée. On peut dire que je me suis bien amusé avec tous ces bâtons qui volaient autour de moi mais j’ai véritablement débuté la pratique en 1960, lorsque j’avais 13 ans.




Le maître Gao tieniao au parc du peuple à Shanghai 
(photo prise en 2019, tous droits réservés)




SWG : Qui fut votre premier maître et qu’avez-vous étudiez à vos débuts ? 

 

GTN : Mon premier professeur fut le maître Jin xiangbao, qui était lui-même disciple de Dong zhongyi. Au début, j’ai pratiqué beaucoup d’exercices de base (les fameux Jibengong), comme des coups de pied, des postures tel gongbu, mabu, xubu, et puis du Tantui (La « jambe ressort », une école très célèbre en Chine). Les premières boxes que j’ai appris furent le Yuanyangquan (la boxe des canards mandarins), le Changquan (la boxe longue de Shaolin) et le Guandongquan (la boxe qui ferme à l’est). 

Avant de pratiquer les écoles internes, j’ai également pratiqué le Liuhequan de Dong zhongyi, la lutte chinoise (Shuai jiao) et quelques armes comme l’épée, le baton, les crochets…etc 

Je me suis construit de solides bases en m’entrainant durement sous la direction de maître Jin.



Démonstrations du maître Gao tieniao 
de plusieurs styles et à différentes époques 


 

SWG : Quand avez-vous débuté l’étude des arts martiaux internes et pour quelle raison ?

 

GTN : Vers 1966, en pleine révolution culturelle, un ami de maître Jin, le maître Pei xirong, nous a rendu visite sur notre lieu de pratique. Ils se rencontraient souvent en secret pour discuter de l’art martial avec leurs amis Zhang changxin, Xu wenzhong, Wang shouting et Yang bantai (la pratique de l’art martial était strictement proscrite pendant la révolution culturelle). Maître Jin nous emmenait souvent, son fils et moi, lorsqu’il se rendait à ce genre de réunion. C’était pour moi l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les arts internes.

 

Je peux dire que j’ai été très chanceux de rencontrer maître Jin et maître Pei. Tous deux étaient très généreux et bienveillants et ils n’ont jamais eu de mauvaises pensées ni de mauvaises réactions si j’allais étudier d’autres écoles ou d’autres styles avec d’autres maîtres. Donc j’ai débuté l’étude des styles internes sous la direction de maître Pei xirong lorsque j’avais 18 ans. Après m’être engagé dans cette pratique de manière sérieuse j’ai rapidement été fasciné par la profondeur des théories et des applications pratiques que l’on y trouvait.



 

SWG : Pouvez-vous nous en dire plus sur la pratique avec le maître Pei xirong ? 

 

GTN : Maître Pei était un professeur très expérimenté. Il m’enseigna d’abord le Xinyi liuhequan puis le Baguazhang, le Taijiquan et encore d’autres styles internes ainsi que le maniement de certaines armes.

Au tout début, il m’a fait pratiquer les trois poings antiques du Xinyi liuhequan, qu’il enseignait par les trois formes que sont Longdiaobang (Le dragon fait tomber ses épaules), Caijibu (le déplacement du coq habile) et Yaoshouba (faire une poignée de main). Ces trois formes sont les reflets des 4 animaux dont on s’inspire couramment dans les arts martiaux à savoir : le corps du dragon, les jambes et les pieds du coq, les épaules de l’ours et la tête du tigre. Elles étaient, en fait, assez ennuyeuses et fatigantes pour un jeune débutant mais en même temps, elles étaient vraiment excellentes pour renforcer mes postures, améliorer ma capacité à expulser la force (Fali) ainsi que pour discipliner mon esprit et forger mon caractère. J’ai pratiqué ces 3 formes 2 à 3 heures par jour tous les jours. C’était très difficile, parfois c’était même presque de la torture mais finalement j’en ai tiré de grands bénéfices. 

 

Plus tard, j’ai commencé à étudier les 5 éléments et les 12 formes animales du Xingyiquan. Maître Pei accordait une grande importance aux 5 éléments. Il répétait souvent que si l’on veut maîtriser le Xingyiquan, il faut d’abord maîtriser les cinq éléments et que si l’on veut bien pratiquer les 5 éléments, il faut se concentrer sur l’élément métal (Piquan). Ça m’a pris presque 3 ans juste pour avoir une forme juste de Piquan. Des années après j’ai réalisé a quel point la pratique du Xinyiquan et des 5 éléments du Xingyiquan étaient les meilleurs moyens d’améliorer son Jing (l’essence, sur laquelle se développe le Qi, le souffle).



Le maître Pei xirong 
dans la forme du métal (Piquan) du Xingyiquan


 

L’étape suivante fut le Baguazhang, dans lequel le plus difficile était la marche en cercle. Comme la plupart des élèves, j’ai trouvé que le plus difficile était d’acquérir la sensation de la marche dans la boue (Tangnibu). Je pratiquais la marche du Bagua tous les matins en faisant un tour dans le parc du peuple. Lorsque j’ai servi dans l’armée de réserve, pendant la révolution culturelle, je pratiquais la marche dans la boue lorsqu’on faisait des marches sur de longues distances. Petit à petit, j’ai compris comment utiliser les chevilles, les genoux, les Kua (l’articulation sacro-iliaque) dans la marche du Bagua et j’ai aussi acquit les sensations le Jing horizontal dans le déplacement. En prime, j’ai découvert que c’était aussi une très bonne façon de pratiquer son Qi (souffle interne).

 

La troisième étape fut l’apprentissage du Taijiquan. En fait, étant à l’époque un jeune d’une vingtaine d’années qui se sentait toujours plein d’énergie, je doutais de ce genre de style souple et doux qui, pour moi, n’était d’aucune utilité pratique. Maître Pei m’a forcé à pratiquer les styles Yang, Chen, Sun et Wu. Et grâce à son aide et après avoir travaillé durement, j’ai expérimenté le coté fabuleux du Taijiquan : C’est comme la terre qui a la capacité d’absorber n’importe quelle force pour en générer une nouvelle énergie. C’est la meilleure des méthodes pour améliorer son esprit (Shen). 

 

SWG : Quelles écoles pratiquez-vous de nos jours et qu’enseignez-vous ?

 

GTN : Je pratique le Xingyi, le Bagua, le Taiji et le Qigong de Wudang. Habituellement j’enseigne le Wudang Taiji Yuangong, le Wudang Taijiquan, l’épée Taiji de Wudang et le Bagua.




Xu benshan, Abbé du temple de l'empyrée pourpre 
au mont Wudang.




 

SWG : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le maître Pei xirong et son apprentissage ? 

 

GTN : J’ai rencontré Maître Pei pendant l’été 1965. Il est né en 1013 à Raoyang, dans la province du Hebei. Son père était un docteur en médecine chinoise et il pratiquait également les arts martiaux. Maître Pei a étudié la boxe Shaolin avec son oncle dans sa jeunesse. Lorsqu’il est devenu adulte, il a voyagé, comme la plupart des artistes martiaux le font, à la recherche d’autres styles et de différents maîtres. 

 

Il a surtout étudié avec le maître Fu jianqiu, qui était spécialiste des arts martiaux internes et un frère de pratique des célèbres maîtres Sun lutang et Shang yunxiang. Mais maître Pei a également étudié le Baguzhang auprès des maîtres Huang bonian et Jiang rongqiao. Il a par ailleurs également reçu des instructions des maîtres Bao xianting et Lü songgao. Il fut également introduit par le général Li jinglin (célèbre pour sa maîtrise de l’épée de Wudang, directeur de l’institut national pour la recherche et le développement de l’art martial) auprès de Xu benshan, l’abbé du temple de l’empyrée pourpre (zixiaogong) à Wudang et devint un disciple de celui-ci. Maître Pei devint ainsi le 17e disciple officiel du courant de la porte du dragon de Wudang (Wudang Longmen Pai).

Après avoir étudié dans les montagnes de Wudang, Li jinglin recommanda Pei xirong auprès de l’académie centrale des arts martiaux, à Nankin, afin qu’il puise y étudier. Il s’installa ensuite à Shanghai après 1949 et devint un instructeur à l’université de Fudan. Il fonda l’Institut pour l’enseignement de la boxe de Wudang (Wudang quanfa Institute), l’institut pour l’étude du Qigong de Shanghai et mis sur pied l’institut scientifique de recherche sur le Qigong. Il a publié plus de 20 ouvrages comme « Wudang Gongfu », « Etude du Qigong de Wudang », un dictionnaire des arts martiaux chinois, une série de livre sur l’art martial chinois traditionnel…etc


A suivre...





 

 

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