Jin tonghua, le descendant
Difficile pour moi de rencontrer quelqu'un qui soit à la hauteur de mon premier maître...
L'enseignement de Li jianyu m'a profondément marqué et continuera de me modeler que je le veuille ou non. Dans ma jeunesse, j'avais immédiatement compris que ce petit bonhomme, qui avait tout de même été un des disciples les plus proche de Wang xiangzhai pendant plus de 20 ans, avait saisi l'essence du Yiquan.
C'est sa grande vitalité qui m'avait, tout d'abord, particulièrement impressionné. Ses fali fulgurants, ses déplacements aériens, ses fasheng qui résonnaient comme des coup de tonnerre et dont les ondes acoustiques vous traversaient de part en part, vous paralysant littéralement pendant une fraction de seconde... Je me souviens que même s'il disait constamment que seul comptait la santé et que l'art martial était secondaire, je n'avais de cesse d'attendre ces instants magiques où ses capacité martiales s'exprimaient spontanément et donnait à nos rencontres une tournure que je trouvais fabuleuse.
J'ai notamment en mémoire un échange, lors d'une visite que je lui fis à Pékin dans son appartement du quartier de Xidan, un appartement où il avait été relogé après que le quartier où il habitait initialement dans une cour carrée ait été rasé, pendant laquelle il venait de m'expliquer qu'il n'y avait pas de technique de poing dans l'enseignement de Wang xiangzhai, son maître, et que n'importe quelle réaction devait pouvoir devenir une technique, quelle qu'elle soit. Il rentra alors sur moi et chassa ma garde, que j'avais spontanément levé pour me protéger, en deux ou trois mouvements qui se succédèrent à une vitesse phénoménale pour finir par accrocher mon bras droit dans un mouvement subtil mais tellement lourd qu'il me déséquilibra et fit pencher tout mon corps en avant alors que son poing droit arriva sur moi et s'arrêta à quelques millimètres de mon estomac... Il venait de me dire qu'il n'y avait pas de technique de poing dans la boxe de son maître et c'était la technique bengquan qui s'était retrouvé sous mon nez à peine quelques secondes plus tard !
Vraiment, Maître Li jianyu était plein de surprises parfois...
Lorsque je lui avais expliqué ma rencontre avec Wang shangwen et l'amitié qui nous liait désormais, il m'avait juste dit : "Pas besoin de pratiquer ce qu'il fait, ça ne sert à rien ! "
Et de son coté mon ami Wang shangwen se désolait de reconnaitre dans ma forme celle de Li jianyu bien qu'il m'ait enseigné sa propre façon de faire et je l'entendait me répéter sans arrêt : "Tu fais encore du Li jianyu ! "
J'ai rencontré plusieurs maîtres et experts de la boxe de Wang xiangzhai pendant plus de 25 ans maintenant mais aucun ne m'a donné le sentiment d'être arrivé au niveau de compréhension qu'avait atteint mon premier maître, Li jianyu, qui parlait de Wang xiangzhai comme de celui qui avait changé sa vie.
Et puis, l'été dernier, après avoir passé plus de 8 jours aux coté de mon ami Wang shangwen à Datong, alors que j'y avait emmené un petit groupe de pratiquants, le destin m'a fait rencontrer un des petits fils de Wang xiangzhai.
J'ai d'abord été surpris de constater que Jin tonghua, qui est le deuxième fils de Wang yufang, ne portait pas le patronyme de son grand père avant de réaliser que, naturellement, il portait celui de son propre père, un célèbre artiste d'origine mandchou et de sang royal. Un aller-retour depuis Pékin jusqu'à Tianjin, où il réside, pouvait facilement se faire dans la journée, ce que je fis donc accompagné de 3 élèves et amis pour rencontrer le maître. Et ce voyage fut un véritable choc pour moi lorsque je rencontrait enfin le maître Jin : il émanait de lui une énergie de bienveillance comme j'en avais rarement fait l'expérience. De plus, sa ressemblance avec le maître Wang yufang, sa mère, que j'avais rencontré à plusieurs reprises à Paris ainsi que chez elle à Pékin, était flagrante.
Ses explications m'enchantèrent : L'enseignement de Wang xiangzhai n'est pas celui d'un art martial, ni même d'un art de santé, il inclus ces deux aspects mais va bien plus loin que cela !
Il s'agit de la quintessence de la vie sous tous ses aspects. Il existe un adage qui dit "connais toi toi-même et tu connaîtra la terre entière" mais en réalité, en nous connaissant nous même sous tous nos aspects, physiques et spirituels, et en connaissant également nos liens avec les choses et les êtres qui nous entourent, ce n'est plus la terre entière que l'on peut connaitre, c'est l'univers tout entier !
C'est pour cela que dans la pratique, il faut aussi bien être capable de chercher au plus profond de soi que de s'unir avec tout ce qui nous entoure : d'abord le sol, puis ce qui y est relié (les arbres, les objets, les êtres vivants...) puis le ciel et finalement tout l'univers. La pratique du zhanzhuang n'a de limites que celles que l'on veut bien lui donner...
Dans la pratique c'est le relâchement qui compte le plus, physiquement et mentalement : Il faut savoir "lâcher-prise" tout en remplissant la moindre cellule de notre corps de notre esprit pour ne pas laisser celle-ci s'endormir. La tension doit être minime, à peine exprimée. Et lorsque l'on fait shili, c'est tout le corps qui doit s'animer. C'est chaque cellule de notre être qui doit entrer dans l'action et participer au mouvement pour que celui-ci soit "rempli de tout notre être".
Les explications du maître Jin tonghua ont résonné au plus profond de ma personne car, si j'avais déjà entrevu tout ce qu'il me disait ce jour là, ce fut comme une confirmation. Je pense donc, comme le disent souvent les chinois, que c'est le destin qui m'a amené à rencontrer celui que, désormais, je considère comme mon nouveau maître...
Les photos de cet article appartiennent à Emmanel Agletiner, tous droits réservés
L'enseignement de Li jianyu m'a profondément marqué et continuera de me modeler que je le veuille ou non. Dans ma jeunesse, j'avais immédiatement compris que ce petit bonhomme, qui avait tout de même été un des disciples les plus proche de Wang xiangzhai pendant plus de 20 ans, avait saisi l'essence du Yiquan.
C'est sa grande vitalité qui m'avait, tout d'abord, particulièrement impressionné. Ses fali fulgurants, ses déplacements aériens, ses fasheng qui résonnaient comme des coup de tonnerre et dont les ondes acoustiques vous traversaient de part en part, vous paralysant littéralement pendant une fraction de seconde... Je me souviens que même s'il disait constamment que seul comptait la santé et que l'art martial était secondaire, je n'avais de cesse d'attendre ces instants magiques où ses capacité martiales s'exprimaient spontanément et donnait à nos rencontres une tournure que je trouvais fabuleuse.
Maître Li jianyu démontrant certaines formes animales du Yiquan
lors d'un stage en Hollande à la fin des années 90
J'ai notamment en mémoire un échange, lors d'une visite que je lui fis à Pékin dans son appartement du quartier de Xidan, un appartement où il avait été relogé après que le quartier où il habitait initialement dans une cour carrée ait été rasé, pendant laquelle il venait de m'expliquer qu'il n'y avait pas de technique de poing dans l'enseignement de Wang xiangzhai, son maître, et que n'importe quelle réaction devait pouvoir devenir une technique, quelle qu'elle soit. Il rentra alors sur moi et chassa ma garde, que j'avais spontanément levé pour me protéger, en deux ou trois mouvements qui se succédèrent à une vitesse phénoménale pour finir par accrocher mon bras droit dans un mouvement subtil mais tellement lourd qu'il me déséquilibra et fit pencher tout mon corps en avant alors que son poing droit arriva sur moi et s'arrêta à quelques millimètres de mon estomac... Il venait de me dire qu'il n'y avait pas de technique de poing dans la boxe de son maître et c'était la technique bengquan qui s'était retrouvé sous mon nez à peine quelques secondes plus tard !
Vraiment, Maître Li jianyu était plein de surprises parfois...
Lorsque je lui avais expliqué ma rencontre avec Wang shangwen et l'amitié qui nous liait désormais, il m'avait juste dit : "Pas besoin de pratiquer ce qu'il fait, ça ne sert à rien ! "
Et de son coté mon ami Wang shangwen se désolait de reconnaitre dans ma forme celle de Li jianyu bien qu'il m'ait enseigné sa propre façon de faire et je l'entendait me répéter sans arrêt : "Tu fais encore du Li jianyu ! "
Entrainement personnel matinal à Datong,
posture jijizhuang
J'ai rencontré plusieurs maîtres et experts de la boxe de Wang xiangzhai pendant plus de 25 ans maintenant mais aucun ne m'a donné le sentiment d'être arrivé au niveau de compréhension qu'avait atteint mon premier maître, Li jianyu, qui parlait de Wang xiangzhai comme de celui qui avait changé sa vie.
Et puis, l'été dernier, après avoir passé plus de 8 jours aux coté de mon ami Wang shangwen à Datong, alors que j'y avait emmené un petit groupe de pratiquants, le destin m'a fait rencontrer un des petits fils de Wang xiangzhai.
J'ai d'abord été surpris de constater que Jin tonghua, qui est le deuxième fils de Wang yufang, ne portait pas le patronyme de son grand père avant de réaliser que, naturellement, il portait celui de son propre père, un célèbre artiste d'origine mandchou et de sang royal. Un aller-retour depuis Pékin jusqu'à Tianjin, où il réside, pouvait facilement se faire dans la journée, ce que je fis donc accompagné de 3 élèves et amis pour rencontrer le maître. Et ce voyage fut un véritable choc pour moi lorsque je rencontrait enfin le maître Jin : il émanait de lui une énergie de bienveillance comme j'en avais rarement fait l'expérience. De plus, sa ressemblance avec le maître Wang yufang, sa mère, que j'avais rencontré à plusieurs reprises à Paris ainsi que chez elle à Pékin, était flagrante.
Shili "ouverture-fermeture" par le maître Jin tonghua
Ses explications m'enchantèrent : L'enseignement de Wang xiangzhai n'est pas celui d'un art martial, ni même d'un art de santé, il inclus ces deux aspects mais va bien plus loin que cela !
Il s'agit de la quintessence de la vie sous tous ses aspects. Il existe un adage qui dit "connais toi toi-même et tu connaîtra la terre entière" mais en réalité, en nous connaissant nous même sous tous nos aspects, physiques et spirituels, et en connaissant également nos liens avec les choses et les êtres qui nous entourent, ce n'est plus la terre entière que l'on peut connaitre, c'est l'univers tout entier !
C'est pour cela que dans la pratique, il faut aussi bien être capable de chercher au plus profond de soi que de s'unir avec tout ce qui nous entoure : d'abord le sol, puis ce qui y est relié (les arbres, les objets, les êtres vivants...) puis le ciel et finalement tout l'univers. La pratique du zhanzhuang n'a de limites que celles que l'on veut bien lui donner...
Le maître Jin tonghua, fils de Wang yufang
et petit-fils de Wang xiangzhai
Dans la pratique c'est le relâchement qui compte le plus, physiquement et mentalement : Il faut savoir "lâcher-prise" tout en remplissant la moindre cellule de notre corps de notre esprit pour ne pas laisser celle-ci s'endormir. La tension doit être minime, à peine exprimée. Et lorsque l'on fait shili, c'est tout le corps qui doit s'animer. C'est chaque cellule de notre être qui doit entrer dans l'action et participer au mouvement pour que celui-ci soit "rempli de tout notre être".
Les explications du maître Jin tonghua ont résonné au plus profond de ma personne car, si j'avais déjà entrevu tout ce qu'il me disait ce jour là, ce fut comme une confirmation. Je pense donc, comme le disent souvent les chinois, que c'est le destin qui m'a amené à rencontrer celui que, désormais, je considère comme mon nouveau maître...
Les photos de cet article appartiennent à Emmanel Agletiner, tous droits réservés