Le mont Wudang, mythes et légendes (3e partie)
Revenons sur le personnage bien connu du Taoïsme dont le nom est associé au mont Wudang et aux arts martiaux dits "Internes" : Zhang sanfeng.
Ce personnage qui aurait créé le Taijiquan après avoir assisté à un combat entre un serpent et une grue ou, selon d'autres sources, qui en reçu la révélation par Zhenwu dans un rêve est souvent considéré comme un patriarche véritable des arts martiaux alors qu'il n'est qu'un mythe populaire né d'une confusion historique. Le taoïste Zhang sanfeng apparait dans des textes divers comme un personnage ayant vécu en 960, 1247 ou bien encore 1279...
Stanley Henning est un traducteur et un chercheur des plus renommé dans le domaine de l'histoire des arts martiaux chinois. Dans son article "Ignorance, legend and Taijiquan" (Légende, ignorance et Taijiquan), il nous explique (traduction personnelle) :
"La légende de Zhang sanfeng est apparu pendant la dynastie Ming (1368 - 1644), du fait des liens étroits qui existaient alors entre le pouvoir en place et le Taoïsme. Les prêtres Taoïstes avaient soutenues le fondateur de la dynastie (Zhu yuanzhang) dans leurs prophéties. On ne sait que très peu de choses sur Zhang sanfeng, si ce n'est qu'il est décrit comme un ermite itinérant, excentrique et doté de pouvoirs magiques, qu'il serait mort puis résucité et que sa vie, si l'on s'en réfère aux différentes versions, s'étendit sur une période de plus de 300 ans. L'empereur Chengzu (Yongle des Ming 1423 - 1404) dépensa de grosses sommes dans la reconstruction d'un monastère sur le mont Wudang, détruit pendant la guerre et qui aurait été son lieux le prédilection. Il s'avère que les 13 années de recherche qu'il fit mener afin de savoir où pouvait se trouver l'ermite faisait, en fait, partie d'un plan sous couverture bien plus important destiné à localiser l'empereur déchu Jianwen, qui avait été victime d'un coup d'état mené par Chengzu. Ni l'empereur Jianwen, ni Zhang sanfeng ne furent jamais trouvé mais, au final, l'empereur Yingzong (8e empereur de la dynastie) fit canoniser le fantomatique Zhang en 1459. Tout au long de cette partie très concrète de la légende de Zhang sanfeng, il n'est fait aucune mention d'une quelconque relation entre Zhang et les arts martiaux. Ce vide de référence aux arts martiaux est très significatif puisqu'il était courant d'inclure ce genre d'information dans les biographies des histoires dynastiques."
Ainsi, le personnage de Zhang sanfeng semble bel et bien n'être qu'un mythe populaire. Son association aux arts martiaux apparaitra, d'ailleurs, bien plus tard dans l'histoire puisque ce n'est qu'en 1669, sous les Qing, que sera publié "L'épitaphe à Wang zhengnan" (王征南墓誌銘), première référence à Zhang sanfeng en tant que maître de l'art martial. Ce texte, qui fait remonter la paternité d'une "boxe de la famille interne" (Neijiaquan) à l'immortel taoïste fut écrit par un lettré du nom de Huang zongxi, qui fut sérieusement engagé dans la résistance à l'envahisseur mandchou (La dynastie Qing fut une dynastie non-chinoise). Ce texte est aujourd'hui considéré comme un discourt aux métaphores, explicites pour l'époque, destinées à attiser le sentiment de rébellion contre l'envahisseur Qing.
Dans son ouvrage "Le wudangshan, Histoire des mythes fondateurs" (ouvrage qui a servi de base à cette série d'articles), Pierre-henry De Bruyn, chercheur au CNRS, nous donne plus de détails sur ce type d'association d'idée :
"Le profond désir de la population chinoise, dominée par les mandchous Qing, de restaurer la dynastie chinoise des Ming, a certainement contribué de façon décisive à rapprocher la tradition des arts martiaux chinois de celle de Wudangshan et inversement. La dimension profondément patriotique, tant du Wudangshan que de la pratique des arts martiaux en chine, à aidé à ce qu'un ensemble de récits et de légendes s'efforcent à rapprocher l'un de l'autre ce lieu et cette tradition. L'aspect très patriotique sous-jacent à la pratique chinoise des arts martiaux sous les Qing entre dans la même logique que celle qui, en son temps sous les Yuan, a conduit à la montée en gloire du Wudangshan : Si le Wudangshan a acquis du prestige sous les Yuan tandis que le Taijiquan est né sous les Qing, tous deux se sont cependant développés surtout parce qu'ils se sont révélés être des instruments utiles aux chinois pour les aider à résister aux influences étrangères."
Donc, l'association du mont Wudang avec les arts martiaux via l'existence de Zhang sanfeng n'est fondée que sur des malentendus liés aux aléas de l'histoire. En revanche, c'est une autre personnalité symbolique du taoïsme, représentation d'une divinité ancienne qui pourrait être à l'origine de ce lien. Les montagne de Wudang (Wudangshan / Les montagnes du guerrier réalisé) tirant leur nom de la divinité taoïste Xuanwu (le guerrier sombre), laquelle prendra, plus tard, le nom de Zhenwu (le véritable guerrier) et qui fut peut être une adaptation chinoise du dieu indien Mahâkala.
Cette divinité représentait la part sombre et mystérieuse (Yin) de la nature et qui, chez l'homme, se traduit parfois par un potentiel destructeur, combatif.
Ce potentiel, s'il est correctement maîtrisé, est la source d'une énergie guerrière redoutable...
Ce personnage qui aurait créé le Taijiquan après avoir assisté à un combat entre un serpent et une grue ou, selon d'autres sources, qui en reçu la révélation par Zhenwu dans un rêve est souvent considéré comme un patriarche véritable des arts martiaux alors qu'il n'est qu'un mythe populaire né d'une confusion historique. Le taoïste Zhang sanfeng apparait dans des textes divers comme un personnage ayant vécu en 960, 1247 ou bien encore 1279...
Représentation peinte du légendaire Zhang sanfeng
Stanley Henning est un traducteur et un chercheur des plus renommé dans le domaine de l'histoire des arts martiaux chinois. Dans son article "Ignorance, legend and Taijiquan" (Légende, ignorance et Taijiquan), il nous explique (traduction personnelle) :
"La légende de Zhang sanfeng est apparu pendant la dynastie Ming (1368 - 1644), du fait des liens étroits qui existaient alors entre le pouvoir en place et le Taoïsme. Les prêtres Taoïstes avaient soutenues le fondateur de la dynastie (Zhu yuanzhang) dans leurs prophéties. On ne sait que très peu de choses sur Zhang sanfeng, si ce n'est qu'il est décrit comme un ermite itinérant, excentrique et doté de pouvoirs magiques, qu'il serait mort puis résucité et que sa vie, si l'on s'en réfère aux différentes versions, s'étendit sur une période de plus de 300 ans. L'empereur Chengzu (Yongle des Ming 1423 - 1404) dépensa de grosses sommes dans la reconstruction d'un monastère sur le mont Wudang, détruit pendant la guerre et qui aurait été son lieux le prédilection. Il s'avère que les 13 années de recherche qu'il fit mener afin de savoir où pouvait se trouver l'ermite faisait, en fait, partie d'un plan sous couverture bien plus important destiné à localiser l'empereur déchu Jianwen, qui avait été victime d'un coup d'état mené par Chengzu. Ni l'empereur Jianwen, ni Zhang sanfeng ne furent jamais trouvé mais, au final, l'empereur Yingzong (8e empereur de la dynastie) fit canoniser le fantomatique Zhang en 1459. Tout au long de cette partie très concrète de la légende de Zhang sanfeng, il n'est fait aucune mention d'une quelconque relation entre Zhang et les arts martiaux. Ce vide de référence aux arts martiaux est très significatif puisqu'il était courant d'inclure ce genre d'information dans les biographies des histoires dynastiques."
Ainsi, le personnage de Zhang sanfeng semble bel et bien n'être qu'un mythe populaire. Son association aux arts martiaux apparaitra, d'ailleurs, bien plus tard dans l'histoire puisque ce n'est qu'en 1669, sous les Qing, que sera publié "L'épitaphe à Wang zhengnan" (王征南墓誌銘), première référence à Zhang sanfeng en tant que maître de l'art martial. Ce texte, qui fait remonter la paternité d'une "boxe de la famille interne" (Neijiaquan) à l'immortel taoïste fut écrit par un lettré du nom de Huang zongxi, qui fut sérieusement engagé dans la résistance à l'envahisseur mandchou (La dynastie Qing fut une dynastie non-chinoise). Ce texte est aujourd'hui considéré comme un discourt aux métaphores, explicites pour l'époque, destinées à attiser le sentiment de rébellion contre l'envahisseur Qing.
Un des nombreux escalier de pierre du mont Wudang
Dans son ouvrage "Le wudangshan, Histoire des mythes fondateurs" (ouvrage qui a servi de base à cette série d'articles), Pierre-henry De Bruyn, chercheur au CNRS, nous donne plus de détails sur ce type d'association d'idée :
"Le profond désir de la population chinoise, dominée par les mandchous Qing, de restaurer la dynastie chinoise des Ming, a certainement contribué de façon décisive à rapprocher la tradition des arts martiaux chinois de celle de Wudangshan et inversement. La dimension profondément patriotique, tant du Wudangshan que de la pratique des arts martiaux en chine, à aidé à ce qu'un ensemble de récits et de légendes s'efforcent à rapprocher l'un de l'autre ce lieu et cette tradition. L'aspect très patriotique sous-jacent à la pratique chinoise des arts martiaux sous les Qing entre dans la même logique que celle qui, en son temps sous les Yuan, a conduit à la montée en gloire du Wudangshan : Si le Wudangshan a acquis du prestige sous les Yuan tandis que le Taijiquan est né sous les Qing, tous deux se sont cependant développés surtout parce qu'ils se sont révélés être des instruments utiles aux chinois pour les aider à résister aux influences étrangères."
Une des nombreuses vues des chemins vers les sommets de Wudangshan
Donc, l'association du mont Wudang avec les arts martiaux via l'existence de Zhang sanfeng n'est fondée que sur des malentendus liés aux aléas de l'histoire. En revanche, c'est une autre personnalité symbolique du taoïsme, représentation d'une divinité ancienne qui pourrait être à l'origine de ce lien. Les montagne de Wudang (Wudangshan / Les montagnes du guerrier réalisé) tirant leur nom de la divinité taoïste Xuanwu (le guerrier sombre), laquelle prendra, plus tard, le nom de Zhenwu (le véritable guerrier) et qui fut peut être une adaptation chinoise du dieu indien Mahâkala.
Cette divinité représentait la part sombre et mystérieuse (Yin) de la nature et qui, chez l'homme, se traduit parfois par un potentiel destructeur, combatif.
Ce potentiel, s'il est correctement maîtrisé, est la source d'une énergie guerrière redoutable...